1ère à gauche et c'est à droite























Il EST possible de se sortir d'un piège. Toutefois, pour vouloir sortir d'une prison, il faut au préalable avouer que l'on est dans une prison. Le piège est la structure émotionnelle de l'homme, la structure de son caractère. Ce n'est pas très utile d'élaborer des systèmes de pensées pour déterminer la nature du piège, si la seule chose à faire pour en sortir est de le connaître et de trouver la sortie. Tout le reste est totalement inutile: chanter des hymnes sur la souffrance dans le piège, comme l'ont fait les esclaves africains, ou écrire des poèmes sur la beauté de la liberté hors de ce piège, rêver au sein même du piège; ou promettre une vie hors du piège, après la mort; comme le catholicisme l'a promis à ses congrégations; ou confesser un semper ignorabimus, comme le font les philosophes résignés; ou construire un système philosophique autour du désespoir à vivre dans le piège, comme l'a fait Schopenhauer; ou rêver d'un superman qui serait tellement diffèrent de l'homme dans le piège, comme Nietzsche l'a fait, jusqu'à ce que, prisonnier dans un asile pour lunatiques, il écrive sa totale vérité sur lui-même – trop tard...
La première chose est de trouver la sortie du piège.
La nature du piège n'a aucun intérêt qui ne soit meilleur que celui d'OÙ SE TROUVE LA SORTIE DE CE PIÈGE?
On peut décorer un piège pour se rendre la vie plus confortable à l'intérieur. C'est ce qu'ont fait les Michel-Ange, les Shakespeare et les Goethe. On peut inventer quelques engins improvisés pour s'assurer une vie plus longue dans le piège. C'est ce qu'ont fait les grands scientifiques et physiciens, les Meyer et les Pasteurs et les Flemming. On peut s'inventer la guérison des os cassés quand on tombe dans un piège.
La question cruciale reste encore: trouver la sortie de ce piège. OU EST LA SORTIE DANS CET ESPACE OUVERT SANS FIN?
La sortie reste cachée. C'est la plus grande des énigmes. Voici la chose la plus ridicule et la plus tragique:
LA SORTIE EST CLAIREMENT VISIBLE POUR LES GENS PIÉGÉS DANS LE TROU. CEPENDANT PERSONNE NE SEMBLE LA VOIR. TOUT LE MONDE SAIT OÙ LA SORTIE SE TROUVE. CEPENDANT PERSONNE NE SEMBLE SE DIRIGER VERS ELLE. PLUS ENCORE: QUICONQUE SE DIRIGE VERS LA SORTIE, EST DÉCLARÉ FOU OU CRIMINEL OU PÊCHEUR BON À BRÛLER EN ENFER.
Du coup le souci n'est pas avec le piège, ou même avec la question de trouver la sortie. Le souci est À L'INTÉRIEUR DES GENS PIÉGÉS.
Tout cela, vu de l'extérieur du piège, est incompréhensible pour un simple d'esprit. C'est même quelque peu insensé. Pourquoi ne se dirigent-ils pas vers la sortie qui est clairement visible? Dès qu'ils se trouvent près de la sortie ils commencent à hurler et s'en vont. Dès que quelqu'un parmi eux essaient de sortir, ils le tuent. Très peu seulement peuvent se glisser hors du piège dans la nuit obscure quand tout le monde est endormi.



Wilhelm Reich, The Murder of Christ: the Emotional Plague of Mankind,
Farrar, Strauss and Giroux, NYC, 1953, pp.3-4.


Cité  dans Endgameen en-tête de  « Tomber la civilisation partie 1 », p.249
par Derrick Jensen  (traduit en français par Les Lucindas)










Toute sortie est définitive



















Les auteurs de sévices sont lunatiques. Ils sont aimables un temps, puis après violents.
Je me demande si je crois que cette versatilité est réelle ou non.
Argument pour: ces gens sont fragiles. Ils sont effrayés. Comme ils n'ont d'identité propre (ce qui signifie qu'ils ne pourront jamais s'identifier avec leur corps et encore avec la terre qui le fait vivre) ils n'ont pas la capacité de pouvoir réagir de façon équilibrée face aux aléas de la vie. Ils doivent donc contrôler leur environnement. Tant que ce contrôle est exercé, ils peuvent maintenir un semblant de calme. Mais ce contrôle (ou ce qu'ils perçoivent comme étant un droit à contrôler ou à exploiter) est menacé et la fureur qui n'a jamais cessée de bouillonner sous la surface explose littéralement dans le monde.
Argument contre: je suspecte fortement, et selon ma propre expérience sur ces auteurs de sévices, que leur versatilité est souvent faite pour manipuler les autres. Elle ressemble aux « explosions » planifiées par les agents de la CIA chargés de travailler des suspects. (…) En d'autres mots, la versatilité n'est pas réelle du tout, elle fait partie d'une stratégie calculée pour maintenir leurs victimes sans défense et les rendre dociles.
Mais voici un autre argument allant dans ce sens, qui se réfère plutôt à cette amabilité affichée par ce genre de personne: elle n'a rien de réelle, elle est juste une diminution temporaire (et probablement tactique) de cet étau incessant que cette tentative de contrôle.
(…) C'est seulement les auteurs de sévices stupides ou vraiment désespérés – et cela est également vrai à une échelle sociale plus large que la sphère familiale – qui sont toujours oppressifs. Une oppression incessante n'est pas complètement efficace sans cette intermittence avec un temps plus tranquille, comme une récompense. Si les oppresseurs étaient seulement oppressifs, les victimes réaliseraient qu'ils n'ont rien à perdre. Ceux qui croient qu'ils ont quelque chose à perdre sont bien plus manipulables. Ceux qui se rendent compte qu'ils n'ont rien à perdre n'ont rien à craindre non plus, et ils deviennent extrêmement dangereux pour leurs agresseurs.

Je questionne la réalité de cette versatilité lunatique également sur le plan culturel, et pour les mêmes raisons. Il est certain que ceux au pouvoir ont toujours haï les indigènes et ont toujours eu des réactions enragées envers qui remettaient en question ce qu'ils perçoivent comme leur droit attitré (…)

La question demeure: sont-ils lunatiques, ou le prétendent-ils juste? Ou les deux?
Cela ne fait pas de différence dans le monde réel. Que ceux au pouvoir vous déciment parce qu'ils vous haïssent de vouloir garder votre terre ou parce qu'ils veulent vos ressources, cela importe guère. Vous êtes comme mort.

Mais le second versant de la question demeure: cette amabilité est-elle réelle dans notre culture?
Voilà pourquoi je travaille autant cette question: ceux qui n'ont jamais pensé à ce genre de questions – spécialement ceux qui ne questionnent ni l'histoire ni l'actualité, donc tout un tas de gens – parfois demandent si la civilisation industrielle (ou parfois plus spécifiquement le modèle américain) est si horrible que ça, alors pourquoi tout le monde veut être « comme nous »? Et bien, la vérité est que, en général ils ne le veulent pas, du moins pas tant que leur territoire, et donc leur culture, n'a pas été complètement détruite. Comme J.Hector St. John de Crèvecoeur l'a noté dans ses Lettres d'un Fermier Américain, «Il y a quelque chose dans les liens sociaux des Indiens quelque chose de particulièrement captivant, et de bien supérieur à tout ce dont nous pouvons nous vanter: des milliers d'Américains sont devenus Indiens, mais nous n'avons aucun exemple d'un seul indigène qui aurait choisi de devenir Européens! Il doit y avoir quelque chose de particulièrement envoûtant dans leurs manières, quelque chose qui marque pour toujours et qui semblent fait par les mains mêmes de la Nature. Prenez par exemple un jeune garçon indien, donnez-lui la meilleure éducation que vous pouvez, déployez toute la générosité possible, couvrez-le de cadeaux (…) Il se languira secrètement de ses racines, que vous aurez pensé oubliées depuis tout ce temps, à la première occasion qu'il pourra avoir, il quittera tout ce que vous lui avez offert et retournera avec une joie indescriptible demeurer sur les seuils de ses pères. »240 Voici ce que Benjamin Franklin a écrit: « Aucun Européen qui a goûté à la vie sauvage arrive par la suite à supporter la vie dans nos sociétés. »241 Il a aussi écrit: « Quand un enfant indien a été élevé parmi nous, a appris notre langue et est habitué à nos coutumes, s'il lui arrive de renouer avec ses semblables et de partir avec eux, ça ne sert à rien de tenter de le persuader de revenir, et ce n'est pas inhérent aux Indiens, mais aux hommes, car si des gens ont été faits prisonniers jeunes par les Indiens et ont vécu un certain temps avec eux, même si des amis les kidnappent et leur donnent tout l'amour possible pour les convaincre de rester parmi les Anglais, ils se dégoutent vite de notre façon de vivre, et de l'attention et des douleurs qu'elle nécessite, et profite de la première occasion pour revenir vivre dans les bois, qui ne les réclament pourtant pas. » (...)
Les civilisés qui ont choisi de rester vivre parmi les Indiens l'ont fait parce que, selon l'historien James Axtell, qui a compilé les récits des blancs qui ont écrit sur leur vie parmi les Indiens, «ils ont trouvé dans la vie indienne un sens fort de la communauté, beaucoup d'amour, et une intégrité peu commune – des valeurs que les colons européens honoraient également, mais avec moins de succès. Mais la vie indienne était attrayante pour d'autres valeurs – pour l'équité sociale, la mobilité, l'aventure, et, comme deux convertis l'ont reconnu, pour 'la liberté la plus parfaite, la facilité de vie (et) l'absence de ces attentions et sollicitudes si rapidement oppressantes qui prévalent si souvent pour nous.'»245
Parce que la vie indienne était plus agréable, plaisante et douce que la vie parmi les civilisés, le conquistador Hernado de Soto avait dû placer des gardes armés autour de son camp, non pas pour se protéger des attaques indiennes, mais pour garder les hommes et les femmes européens et éviter qu'ils ne s'enfuient pour retrouver les Indiens.246 Du coup les Pères Pèlerins considéraient que de partir pour vivre avec les Indiens était passible de peine de mort. 247
(…) Comme les sanctions, même les plus cruelles, ne pouvaient empêcher la désertion – et qui peut blâmer ces colons déserteurs? – les civilisés n'ont pas vu d'autres options que de massacrer les Indigènes pour éliminer le problème. (…)
Éliminer toute possibilité de s'échapper a été, bien sûr, depuis le début, une des motivations centrales pour à peu près toutes les actions perpétrées par la civilisation.
Donc, vu le choix que l'on a, entre le Christianisme ou la mort, le capitalisme ou la mort, l'esclavage ou la mort, il est logique que l'on ne choisisse pas de mourir.
(…) Nous devons aussi bien affronter – et admettre – cette logique dominante: si nous sommes coincés dans un système qui est basé sur une hiérarchie rigide, où celui d'en haut exploite systématiquement ceux en bas – et c'est aussi vrai sur les plans personnel et familial (vous voulez qu'on cause du taux de viols et d'agression d'enfants?) que ça l'est sur le plan social – un système qui est en train de tuer la planète, qui empoisonne nos corps, qui nous rend stupides et insensés, qui élimine toute alternative, autant avoir une belle voiture. Si je ne peux pas vivre dans un monde peuplé de saumons sauvages et régi par une structure sociale égalitaire, et dans un corps sans maladies induites par la civilisation (…), je ferais tout aussi bien d'aller m'endetter à la banque et m'entourer d'objets luxueux. (…)
Mon problème, toutefois, est que ces cadeaux sur lesquels repose « l'agrément » de ce système conditionnent entièrement votre assujettissement à ceux qui sont au-dessus de vous dans la hiérarchie. Que se passe-t-il pour vous si vous agissez parce que vous ne croyez pas en le droit de propriété des riches? Que se passe-t-il si vous agissez parce que vous croyez que la police ( et plus largement l'État, et plus largement ceux qui sont en haut de la hiérarchie) n'ont pas le monopole de la violence et que cette violence perpétrée par ceux au pouvoir peut (et parfois doit) affronter la violence perpétrée par ceux qui sont considérés comme n'ayant pas de pouvoir du tout? Que se passe-t-il si vous agissez parce que vous croyez que ceux au pouvoir n'ont pas le droit d'empoisonner la planète? Que se passe-t-il quand vous devenez convaincus que la violence de ceux qui n'ont pas de pouvoir ne peut pas être interdite, vu la magnitude et l'omniprésence de celle perpétrée par ceux au pouvoir?
Vous êtes, en un mot, mort.



Endgame, vol.1, Pourquoi la civilisation est-elle en train de tuer le monde, partie II, pp.243-248.
Derrick Jensen (traduit en français par Les Lucindas)




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240 J.Hector St. John de Crèvecoeur , Lettres d'un Fermier Américain et scènes de l'Amérique du 18ème siècle,
édité avec une introduction de Albert E. Stone, Pengin, New-York, 1981, p.214.
241 Franklin, Benjamin, The Papers of Benjamin Franklin, vol.4, 1er juillet-30 juin 1753, Yale University Press, New Haven CT, 1961.
245 Axtell, James, The Invasion Within: the Contest of Cultures in Colonial North America, Oxford University Press, 1985, p.327.
246 American Cynic 2, n°32, 11/08/1997. http://americancynic.com/08111997.html
247 Ibid.

Interview du 17/11/2010

















• Page mise à jour le 28 novembre 2010 •




Derrick Jensen: la culture de consommation est en train de tuer la planète, nous avons besoin de construire une culture de résistance, une société basée sur des énergies non renouvelables ne peut pas durer.

Extraits de l'émission Democracy Now! D'Amy Goodman.
Le 17/11/2010.

AG: Que voulez-vous dire quand vous parlez de résistance profondément écologique (Deep green Resistance).
DJ: Je pense que beaucoup d'entre nous commencent à réellement comprendre que la culture dominante est en train de tuer la planète. Et on peut arguer sur les quelques bactéries qui survivront ou autre, mais 90% des grands poissons et mammifères marins des océans ont disparu, il y a entre 6 et 10 fois plus de plastique que de phytoplancton dans certaines parties des océans, même le lait maternel de toutes les femme contient des dioxines, le taux d'extinction des espèces est entre 1000 et 10000 fois supérieure au taux naturel, et tout cela, vous savez, ce ne sont que des chiffres avec lesquels on peut jouer sur si c'est en train de tuer la planète ou de la frapper mortellement. Il est vraiment important que nous commencions à construire une culture de résistance, parce que là, ce que nous faisons ne marche pas du tout.
(…)
Il y a ce livre absolument hallucinant, Les Docteurs Nazis, de Robert Jay Lifton, qui relate comment ces hommes – ou ces gens, mais là c'était des hommes – ont continué d'appliquer le serment d'Hippocrate dans les camps d'extermination. En fait la plupart des docteurs qui travaillaient dans ces camps prenaient vraiment grand soin des prisonniers, de leur état de santé. Et vous savez à quel point Joseph Mengele, ce médecin nazi d'Auschwitz, a été horrible. Mais la plupart des docteurs de base ont fait tout ce qu'ils pouvaient. Ils leur auraient trouvé une ration de pommes de terre supplémentaire – à leurs patients. Ou alors ils auraient tenté de les cacher quand les officiers venaient sélectionner les prisonniers à gazer. Ou ils...
AG: Pour continuer à pouvoir faire leurs expérimentations?
DJ: Non, non. Ils les auraient cachés pour que les officiers venus pour les tuer ne les trouvent pas. Ils auraient fait cela pour les protéger ce jour-là. Ils les auraient mis au lit, vous voyez. Ils auraient vraiment fait tout ce qui était en leur pouvoir – comme leur donner de l'aspirine s'ils souffraient. Ils auraient fait tout ce qu'ils pouvaient pour les aider, sauf le plus important, à savoir de remettre en cause l'existence du camp d'extermination. Donc ils se sont retrouvés à travailler en respectant les règles, et à faire tout ce qu'ils pouvaient, en respectant les règles pour améliorer en marge les conditions des prisonniers. Rétrospectivement, bien sûr, on dit que ça n'était pas suffisant. En tant que militant aguerri, je vois que je fais avec mes camarades la même chose, nous faisons tout ce que nous pouvons, dans le cadre des lois en vigueur, pour tenter de stopper la destruction perpétrée par ceux au pouvoir, ceux qui font les lois. Mais le problème, c'est qu'à chaque fois qu'on trouve le moyen de vraiment les arrêter en employant leurs lois, ils les changent.
(…)
AG: Derrick, quelle a été l'influence des Américains natifs dans votre écriture, dans votre œuvre, dans votre militantisme?
DJ: C'est une autre grande question. Et je vais essayer de ne pas la romancer, ce qui est une autre forme de subjectivisation. Ce que je sais, c'est que les Indiens Tolowa, dont les terres se situent au nord de la Californie, là où je vis actuellement, y vivaient depuis au moins 12500 ans, si vous croyez les mythes scientifiques. Si vous croyez les mythes des Tolowa, ils y vivent depuis la nuit des temps, et le mythe qui les racontent sont comme des histoires que nous nous racontons à nous-mêmes pour nous accorder avec le monde. Donc, de toute façon, il y au moins 12500 ans qu'ils sont là. Et quand nous, la culture dominante, sommes arrivés là il y a 180 ans, cet endroit était un paradis. Je veux dire que les saumons étaient si nombreux dans les rivières qu'on pouvait les entendre nager des kilomètres à la ronde avant même de les apercevoir. Je l'ai appris récemment, au Canada, on s'amusait à lancer un petit galet dans l'eau pour voir combien de temps il flotterait, porté par le dos des saumons, avant de couler, tant il y a avait de poissons. Et aujourd'hui j'ai de la chance si j'en aperçois une demie douzaine à cet endroit en un an.
Une des choses que les agresseurs veulent nous faire croire est qu'il n'y a qu'une voie, la leur. Et c'est vrai – vous savez, il y a la grande ligne – je pense que c'était Václav Havel – la lutte contre l'oppression est une lutte de la mémoire contre l'oubli. Et une des choses que nous avons besoin de garder en mémoire est qu'il y a eu d'autres façons de vivre que la nôtre, et qu'elles étaient durables, viables. Les Tolowa ont vécu là pendant 12500 ans, ce qui est durablement mesurable. Et ils n'ont pas duré autant parce qu'ils étaient trop stupides pour inventer des pelleteuses. (…) Quel était leur façon de voir le monde qui a rendu leur existence si durable? Ce n'est pas parce que c'était des primitifs. Ce n'était pas parce que c'était des sauvages. Qu'avaient-ils? Ils avaient des règles sociales en place.
(…)
Si vous détruisez vos terres, le futur ne vous importe guère, vous avez un pouvoir immédiat que vous pouvez utiliser pour conquérir, et c'est ce que vous avez à faire vu que vous avez détruit vos propres territoires. Et plus le temps passe, plus vous devez continuer à vous étendre. Et ce n'est pas vraiment une bonne idée sur une planète qui n'a pas l'infini de l'univers.



• Passage ajouté  le 28 novembre 2010:  2ème partie de l'interview •



AG: vous critiquez les groupes environnementalistes, une certaine catégorie, dans le cadre des solutions que nous proposons pour des problèmes comme le réchauffement climatique. Des groupes comme 350.org, par exemple, qui ont mené le 10/10/10 environ 7000 actions dans le monde, pour essayer de sensibiliser les gens sur la nécessité de changer nos habitudes, car, vous savez, nous réchauffons la température planétaire. Quel est le problème avec ceci, pour vous?

DJ: et bien, tout d'abord je tiens à dire que j'ai un profond respect pour Bill McKibben et ses efforts incessants pour sensibiliser les consciences au réchauffement climatique, et je ne veux pas que mes critiques interfèrent avec son travail qui est très important.
Cela dit, un des problèmes que j'ai avec les soit-disantes solutions au réchauffement climatique, c'est qu'elles reposent sur l'évidence du capitalisme industriel, et que c'est à la planète de s'adapter à ce capitalisme, et s'opposent ainsi à d'autres voies. Et c'est littéralement insensé, d'être ainsi déconnecté de la réalité physique du monde, parce que sans le monde réel, vous n'avez pas de système social. Vous n'avez pas la vie. Vous voyez, nous en sommes à croire que notre nourriture vient du supermarché et que notre eau vient du robinet, parce que ça se passe comme ça. Et c'est une chose extraordinaire que le système a faite, en s'interposant de la sorte entre nous et le monde réel, parce que si notre expérience repose sur un robinet qui fournit de l'eau et des supermarchés qui fournissent la nourriture, vous allez défendre envers et contre tout le système par lequel vous avez accès à ça parce que votre vie en dépend. Si, d'un autre côté votre eau vient d'une rivière et que votre nourriture vient de la terre, vous défendrez votre terre et votre rivière envers et contre tout, car votre vie en dépend. Et c'est donc en ça que c'est difficile, pour nous c'est fait et c'est en train de se faire partout dans le monde. J'ai une amie dont l'ex mari est originaire du Bangladesh, et il y a 20 ans, sa mère lui aurait dit: « Va à la rivière attraper un poisson pour le déjeuner. » Maintenant ils ne peuvent plus car la rivière est si polluée par les industries des environs qu'il n'y a plus de poissons, et qu'ils en importent d'Islande. Il y a donc là une séparation sur laquelle le système marche.
AG: vous parlez de militants qui se cachent derrière ce que vous appelez « le bouclier Gandhi » quand vous évoquez l'usage de la force et de la violence. Qu'entendez-vous par là?
DJ: et bien, c'est assez intéressant, quand je parle de riposter, la réponse de l'audience est toujours la même, prévisible, et tirée de ce « bouclier Gandhi » brandi par les militants de base pour la paix et la justice sociale. Ils font des litanies en répétant les noms de Gandhi, Dalai Lama ou Martin Luther King comme pour conjurer quelques maléfices. Et si l'audience est composée d'activistes environnementalistes, la réponse sera la même, mais certains viendront me voir après pour me chuchoter: « Merci beaucoup pour avoir oser en parler. » Par contre, si j'en parle à d'autres groupes, la réponse sera très différente. Cette réponse, je l'ai eue de la part des prisonniers.
(…)
J'adore une histoire qui raconte que ...
AG: et nous finirons là-dessus.
DJ: … Les Black Panthers cherchaient un lieu pour tenir un congrès alors qu'ils étaient attaqués par les fédéraux. Les Quakers leur en ont offert un, et ils l'ont fait – ils n'étaient pas d'accord avec leurs façons de faire, mais ils l'ont fait parce qu'ils sentaient que c'était important, et ont même placé leurs gardes à eux pour entourer la maison qu'ils avaient proposé pour le congrès, car ils savaient que la police ne tireraient pas sur eux. Et, vous le savez, Harriet Tubman portait une arme alors qu'elle était profondément liée au pacifisme. C'est pourquoi je pense vraiment que nous avons fortement besoin de tout.



Traduit en français par Les Lucindas.









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Voir l'interview dans son intégralité en anglais:











Des squaws et des chiots pour la vaisselle





















Le 29 novembre 1864, environ 700 soldats, sous le commandement du Colonel John Chivington, se sont rendus près du camp Cheyenne à côté de Sand Creek, dans le Colorado. A l'aube ils virent qu'il y avait près d'une centaine d'habitations.
Chivington savait que les Indiens avaient rendu les armes volontairement au gouvernement fédéral, n'ayant gardé que le nécessaire pour chasser. Il savait que les Indiens étaient considérés par les militaires comme des prisonniers de guerre. Il sut également qu'à ce moment-là tous les hommes étaient partis chasser le bison. Il en déduit de tout cela qu'il « lui tardait d'en faire une mare de sang. »
Comme c'était vrai pour Descartes quelques siècles auparavant, Chivington n'était pas un lunatique isolé, il avait toute une culture qui le supportait. Cet homme très respecté – un ancien ministre protestant, senior toujours respecté par l'Église et récent candidat au Congrès – avait déjà affirmé dans un discours que sa politique envers les Indiens se résumait en ce termes: « les tuer et les scalper tous, sans exception. » Ce serait confortable de penser qu'une telle pulsion meurtrière l'aurait marginalisé. Et ce serait une erreur. Le Rocky Mountain News, le journal de la région, avait plus d'une dizaine de fois utilisé son éditorial l'année précédente pour appuyer la nécessaire « extermination des ennemis rouges », affirmant que les Indiens étaient « d'une race dépravée, vagabonde, brutale et rustre, juste bonne à être éradiquée de la surface de la terre. » Le journal travaillait en étroite collaboration avec le gouverneur, qui avait proclamé qu'il était du droit et de l'obligation des citoyens et des militaires de la région de « chasser, tuer et détruire » tous les Indiens. Chivington et ses troupes n'ont pas agi seuls.
Deux hommes blancs qui se trouvaient dans le camp ont espionné les soldats et dressé une peau de bison en guise de drapeau au dessus de leur tête pour montrer que ce village-là était ami. Black Kettle, le chef cheyenne désigné a été le premier à élever un drapeau blanc, et, craignant le pire, l'a remplacé par un drapeau américain que le président Abraham Lincoln en personne lui avait donné, dans une tentative désespérée de convaincre les soldats de ne pas attaquer.
Ce qui se passa par la suite fut inévitable et effroyable. Les soldats tirèrent. Les Indiens fuirent. Chivington ordonna qu'on tire dans la masse des femmes et des enfants paniqués. Les troupes chargèrent et massacrèrent tous les non blanc qui se trouvaient sur leur passage. Les femmes ont tenté de trouver des refuges sur les rives sableuses pour se protéger et protéger leurs enfants. Comme un soldat a rapporté plus tard, « il y avait une trentaine de squaws qui s'étaient réfugiées dans un trou, elles ont envoyé une petite fille de six ans tenant un petit drapeau blanc au bout d'un bâton, elle eut à peine le temps de faire quelques pas avant d'être abattue. Toutes les squaws ont été tuées ensuite, sans exception, sans même riposter. Tous les cadavres que j'ai vus ont été scalpés, même celui d'une femme enceinte. »
Figurez-vous la scène: un Chivington barbotant joyeusement dans sa mare de sang. Les corps des Indiens mutilés dans le froid matinal de novembre. Au loin, vous pouvez voir un groupe de femmes et d'enfants tentant de fuir. Derrière eux, plus loin, des soldats à cheval les chargent. Vos yeux sont attirés par un mouvement sur le sable de Sand Creek. A mi distance entre les deux groupes, un enfant. Le soldat se souvient: « Il y avait un enfant, d'environ 3 ans, assez grand pour pouvoir marcher dans le sable, mais pas assez pour suivre le groupe qui fuyait. Il était tout nu, et marchait dans le sable. J'ai vu un homme descendre de cheval, il était à environ moins de cent mètres de l'enfant, il l'a visé et l'a raté. Un autre homme est arrivé et a dit: "laisse-moi essayer, je peux abattre ce fils de pute." Il est descendu de son cheval, s'est agenouillé, a tiré et l'a aussi raté. Un troisième homme est arrivé, a fait la même remarque, et l'a abattu. »
Maintenant figurez-vous une autre scène, celle du retour de tous ces soldats victorieux. Vous savez qu'ils ont scalpé tous les corps sur leur chemin, déterrant même ceux qui auraient été enterrés avec leur chevelure. Vous voyez tant de scalps, que, comme le rapporte le Rocky Mountain News, « Les scalps de Cheyenne sont aussi nombreux que les crapauds en Egypte. Tout le monde en a un et s'acharne à en obtenir un autre pour l'envoyer à l'est. » Vous savez que les soldats ont aussi coupé les doigts et les oreilles pour récupérer les bijoux des cadavres. Mais à présent vous regardez de plus près, et vous voyez clairement « des soldats couper les parties génitales des femmes pour les arborer sur leur selle ou leur casque lorsqu'ils reforment leur rang. »
Maintenant figurez-vous, si vous y arrivez encore, une troisième et dernière scène. Le Congrès ordonna une investigation sur ce que Chivington appela « une des batailles les plus sanglantes qu'on ait jamais menées contre les Indiens » et ce que Théodore Roosevelt appela plus tard « une action tant rigoureuse que bénéfique parmi toutes celles qui ont placé les frontières. » Le comité d'investigation a demandé une rencontre avec le gouverneur et Chivington à l'Opéra Denver. Cette rencontre ouverte au public a été très fréquentée. Vous êtes au fond. Vous sentez la sueur, la fumée, et sans en être sûre vous devinez qu'il y a de l'alcool fort qui tourne. Durant la rencontre quelqu'un demande si il vaut mieux, pour régler le problème manifeste des Indiens, de les civiliser ou de les exterminer. La foule explose. Selon les dires d'un sénateur, « il y a eu soudainement un cri tel qu'on n'en a jamais entendu même sur un champ de bataille – un cri tellement fort qu'il aurait pu faire décoller le toit de l'opéra – « EXTERMINEZ-LES!EXTERMINEZ-LES! »
Chivington n'a pas agi seul.
Chivington n'a ni été réprimandé ni même puni, sa gloire n'a même pas été remise en cause. L'université du Colorado a donné son nom à un internat après son exploit.
Le fait que tous ces Indiens aient été tués de cette manière n'est pas surprenant. On n'a jamais considéré qu'ils étaient humains. Les femmes étaient des « squaws », les hommes des « bucks ». Les enfants? Ils comptaient encore moins. Ils devaient être tués parce que, comme Chivington adorait le dire « les lentes font des poux. »

Mon père n'a jamais battu quelqu'un s'il ne le méritait pas. Mes frères étaient souvent battus
parce que la cuve des chevaux étaient pleine qu'aux deux tiers et non complètement pleine, ou parce qu'ils n'avaient pas la meilleure note, à savoir un A. Quand elles étaient adolescentes, mes sœurs étaient réveillées pour être battues parce que la vaisselle n’était pas assez bien faite. Je me souviens qu'une de mes sœurs a été battue parce que des chiots étaient tombés dans la piscine, et qu'au lieu de les repêcher, elle avait appelé son frère pour le faire. Elle a été battue pour ne pas les avoir repêchés elle-même, et parce que ces chiots valaient de l'argent.
La stupidité pompeuse de ses raisonnements ne justifiait pas ses actes. Il avait une soudaine envie de battre quelqu'un et trouver une excuse. D'un autre côté, ses raisonnements absurdes étaient ce qui posaient problème, bien plus que la violence physique. S'il avait fourni des raisonnements pertinents pour sa violence – s'il pouvait en exister-- nous les victimes aurions pu maintenir un semblant de contrôle et nous soumettant à ses exigences. Joe aurait pu améliorer ses résultats scolaires, ma mère (moi et mes sœurs) aurait pu l'aimer mieux, mes sœurs auraient pu faire en sorte que cette foutue vaisselle soit parfaitement faite? D'un autre côté, s'il n'avait donné aucune raison, nous aurions pu voir directement quelle était sa violence, purement et simplement absurde. Cependant en fabricant un raisonnement insensé pour justifier ses actions, il pouvait se les rationaliser, et nous donnait la possibilité de jouer activement notre rôle de victime. La demande était insatiable, et versatile. Ce jour-là c'était l'orthographe, le lendemain les chiots, le jour d'après la vaisselle. Il changeait, nous suivions. C'était purement et simplement une situation impossible.





A Language Older than Words, Des coyotes, des chatons et des conversations, pp.27-30.
Derrick Jensen  (traduit en français par Les Lucindas).

Mais écoute...
























J'ai appelé mon amie, Jeannette Amstrong, une Indienne traditionnelle Okanagan, elle est écrivain, professeure et philosophe. Elle voyage beaucoup pour travailler sur la souveraineté indigène et les problèmes de droits terriens, et aide à la reconstruction des communautés natives détruites par la culture dominante. Je lui ai parlé des interactions avec les coyotes, en lui disant: « Je ne sais pas quoi faire de tout ça. »
Elle a ri, puis dit: « Si, tu sais. »
Quelques semaines plus tard nous nous sommes promenés et nous nous sommes assis sur la rive escarpée d'une rivière. Je me suis allongé sur la poussière rouge et joué avec les courbes d'une racine d'arbre qui sortait de terre. En face de nous des tourbillons entrainaient paresseusement des branches d'arbres dans des circuits d'eau. A chaque courbe les branches se brisaient presque pour échouer sur la rive et glisser encore dans le courant. Au dessus des tourbillons la rivière coulait doucement et au dessus de la rivière on pouvait voir des peupliers de Virginie et des meules de foin dans l'étendue des près entrecoupée de champs d'alfafa entourés de barbelés. Au loin, les plaines donnaient sur des petites montagnes bleues.
Jeannette a dit: « L'attitude que l'on a sur la communication entre les espèces est la différence première entre les philosophies occidentales et indigènes. Même les philosophes occidentaux les plus progressistes continuent en général de croire qu'écouter la terre est une métaphore. » Elle a fait un pause, puis continué avec emphase: « Ce n'est pas une métaphore. C'est comme ça que le monde existe. »
J'ai regardé la rivière. Il serait facile d'observer les tourbillons et d'en tirer une demi douzaine de leçons, par exemple la métaphore évidente des branches flottant en cercles, comme les gens piégés par une mentalité étriquée qui ne leur permet pas de retrouver une liberté d'esprit. Il n'y a rien de faux, certainement, avec ces métaphores fabriquées à partir des choses qui nous entourent, ou des expériences des autres – humains ou autre – mais dans les deux cas ces situations des autres reste une étude de cas dans laquelle nous projetons tout ce que nous avons besoin d'apprendre. Et cela relève de circonstances complètement différentes par rapport au fait d'écouter l'autre dans ce qu'il a à dire, de révéler ses intentions, exprimer ce qu'il vit et de le faire dans ses termes.
Certainement ce serait aller dans la bonne direction si notre culture pouvait accepter la notion d'écouter la terre – ou de tout écouter, dans ce cas – même si nous pensons qu'écouter reste du domaine de la métaphore. Un Indien Diné a dit que l'uranium empoisonnait les gens par ses radiations parce qu'il n'aimait pas être sorti du sous sol. Il veut y revenir, s'éloigner de la surface de la terre. Que l'on considère son affirmation comme métaphorique ou littéral, la leçon est la même: extraire l'uranium nous rend malade.
Mais garder un point de vue métaphorique c'est garder un point de vue anthropocentrique. Dans ce cas le point de vue métaphorique exprime une considération pour les gens empoisonnés par l'uranium. L'observation de l'Indien Diné fait un commentaire sur le fait qu'il est important de respecter l'ordre des choses;
J'en ai parlé à jeannette, puis suis resté assis en silence en pensant à deux conversations que j'avais engagés, une deux ans avant et une plus récemment. Dans la première j'étais assis sur le sol de mon salon, en train de parler à une amie scientifique qui insistait sur le fait que la méthode scientifique – par laquelle un observateur fait une hypothèse, puis réunit des données pour tester rigoureusement sa faisabilité – est en fait la seule façon pour nous d'apprendre. Un de mes chats est entré dans la pièce, et mon amie a dit: « Hypothèse: les chats ronronnent quand on les caresse. » Elle a gratté le tapis, et le chat est venu vers elle. Elle lui a caressé le dos. Le chat a ronronné. « Hypothèse validée, a-t-elle dit, premier échantillon. Où est l'autre chat? »
Je savais que je n'étais pas d'accord, mais cela m'a pris un moment pour articuler mon raisonnement. J'ai dit finalement qu'électrocuter ou câliner un chat, si c'est pour collecter des données, c'est objectiver le chat. « Et si, j'ai dit, je le câline parce que j'aime le câliner et parce que je sais qu'il aime ça? Je peux quand même y prêter attention et apprendre de cette relation. C'est ce qui se passe avec mes amis, alors pourquoi pas avec le chat? Mais la question est d'entretenir une relation, pas de collecter des données. »
Elle a hésité, enroulé des mèches de cheveux autour de ses doigts, comme elle fait souvent quand elle est en mode contemplation, et dit alors, « Je pense que cela changerait toute la notion de ce qu'est le savoir, et comment nous l'acquérons. »
J'ai acquiescé. Le chat, quant à lui, s'est mis sur ses deux pattes arrière pour frotter sa tête sur le bras de mon amie. Machinalement mon amie s'est mise à lui gratter le dos.
L'autre conversation a été plus courte, et montre que les arbres peuvent être assez taciturnes. J'étais en train de prendre la route poussiéreuse qui mène à ma boîte aux lettres, et qui croise une route pavée. J'ai remarqué un vieux pin juste dans le coin que je remarquais à chaque fois que je faisais ce chemin et j'ai pensé: «  Cet arbre se débrouille bien. »
Immédiatement j'ai entendu une réponse qui ne m'est pas passée par l'oreille mais est arrivée directement à la partie de mon cerveau qui traite les sons. J'ai entendu une suite de ma pensée qui en changeait la signification: « pour un arbre qui est tout seul. » J'ai regardé autour de moi et vu que bien qu'il y avait quelques arbres dans les environs, il n'y avait pas à proprement dit d'arbres ensemble. Avec les quelques arbres se trouvaient ma boîte aux lettres et un pylône téléphonique enduit de créosote. J'ai commencé à penser au fait qu'il n'y avait pas de communauté, à mes déménagements successifs du Nebraska au Maine au Nebraska, puis au Montana, au Colorado pour les études, le Nevada, la Californie, des mois passés à vivre dans mon camion, retour au Nevada, puis en Idaho, à Washington. J'ai pensé aux gens que j'ai laissé, ma grand-mère, mes frères, ma sœur et aussi des amis. Le fossé d'irrigation derrière ma vieille maison. Les trembles que je voyais de la fenêtre, les oliviers russes, les énormes fourmilières dans les près. Toutes ces pensées étaient le fruit de mes associations, pas ce que l'arbre avait « dit ». C'était la différence cruciale. L'arbre a dit une phrase. Tout le reste est venu après. Essayez vous-mêmes. Écoutez quelqu'un, et portez attention sur là où vos pensées vous mènent. Ce n'est vraiment pas le même ressenti d'écouter et de penser.
J'ai parlé à Jeannette de ces deux conversations. Nous avons continué à parler, sur la rivière, sur son militantisme et le mien, sur ce qu'il faudra aux humains pour survivre. Alors que nous discutions un moustique est venu tournoyer autour de son visage, puis s'est posé sur son bras. Elle a fait un geste pour le chasser.
Je lui ai parlé des chiens, et comment ils ont cessé de manger les œufs dès lors que je le leur ai demandé: «  je n'y crois pas tant cela a été facile. » « Ouais. C'est ce que nous essayons de vous dire depuis 500 ans, a-t-elle répondu. »





A Language Older than Words, Des Coyotes, des chatons et des conversations, pp.24-27.
Derrick Jensen  (traduit en français par Les Lucindas)











S'il vous plait...


























  Ma conversation avec les coyotes a commencé, d'aussi loin que je puisse m'en rappeler, un jour glacial de 1994. Plusieurs fois les mois précédents, les coyotes étaient sortis des petites forêts rocailleuses situées à l'est de ma maison et avaient attrapé des poulets pour les emporter et les manger. De temps à autres je voyais un coyote sortir en courant, ou entendais mes poulets crier et me retournais alors pour voir une ombre grise fugitive disparaître simplement tandis que mes chiens essayaient de la poursuivre. Quelques fois les chiens attrapaient un coyote, et je voyais un tourbillon de fourrure et de poussière, suivis du retour de mes chiens qui s'asseyaient tranquillement dans la grange, assagis. Deux fois j'ai vu un coyote faire mine de se ruer sur les poulets, mais lorsque les chiens lui couraient après un autre coyote trottait dans une autre direction pour attraper un oiseau avant que moi, les chiens ou le poulailler, tous distraits par le premier, puissent réagir. Mais la plupart du temps je constatais juste la disparition d'un canard ou d'un poulet ou d'une oie lors de leur retour, quand ils partaient picorer dans les hautes herbes ou les enchevêtrements de chemins sous les bosquets de roses sauvages à l'ouest de ma maison. Alors je marchais dans la forêt située à l'est et je découvrais – quelque part – un tas de plumes – blanches, noires, rayées, parfois rouges ou même d'un vert irisé – là où les coyotes s'étaient arrêtés pour manger.
  Le jour où la conversation a débuté j'étais agenouillé face au poêle à bois, en train de faire du feu, quand d'un coup j'ai senti que si je regardais par la fenêtre j'en verrais un. Peut-être ce sentiment m'est simplement venu parce que les quatre derniers jours à chaque fois un poulet avait disparu, jamais les coyotes n'avaient été aussi présents. Je suis allé à la fenêtre pour regarder dehors: un coyote était en train de guetter un des volatiles. Le temps que j'arrive à la porte d'entrée il avait disparu.
  Les deux jours d'après j'étais dehors quand j'ai vu un coyote arriver. Aucune intuition ces fois-là, juste le hasard. Les coyotes sont revenus ainsi pendant sept jours. Le huitième jour j’étais sur le canapé en train de regarder dehors et – hasard là encore – j'ai vu un coyote approcher. J'étais frustré car je savais que je serais pas là tous les jours pour protéger les bêtes, et sans vraiment savoir quoi faire j'ai ouvert la fenêtre et j'ai dit « S'il vous plait, ne mangez pas les poulets. Si vous cessez, je vous donnerai les têtes, les pattes et les abats à chaque fois que j'en tuerai un. Et s'il vous plait, souvenez-vous de ce que je fais pour le monde sauvage. » Le coyote a fait demi tour et s'est éloigné, ralentissant de temps à autre pour regarder par dessus son échine svelte.
  A part une nuit, pour chanter, les coyotes ne sont pas revenus durant des mois, et quand enfin ils sont revenus, c'était, il semblait, seulement pour me rappeler la promesse que j'avais faite. Je n'avais pas encore tué de volaille, et j'ai vu un jour un coyote assis sur un talus à une centaine de mètres au nord. Il était assis et regardait vers moi, il n'a pas bougé quand j'ai ouvert la fenêtre et me suis penché dehors. Finalement j'ai dit – vraiment très doucement – « D'accord, je vous amènerai de la nourriture. » Aussitôt après mes paroles le coyote s'est levé et a commencé à s'éloigner. Un autre coyote est apparu, et ils se sont frotter le museau. Le premier a continué son chemin, et le second a pris sa place, regardant encore vers moi. J'ai répété ma promesse, et le deuxième coyote s'en est allé.

   C'est n'est pas en faire trop que de dire que le but premier de la philosophie de Descartes, et de la majeure partie de la science moderne, est de fournir un cadre rationnel sur lequel baser un système d'exploitation. Descartes lui-même l'a clairement affirmé quand il a fait l'observation suivante: « J'ai perçu qu'il était possible d'arriver à un savoir extrêmement utile dans la vie … et qui nous rendrait ainsi les seigneurs et détenteurs de la nature. »
  Si Descartes avait été le seul lunatique souhaitant devenir un « seigneur et détenteur de la nature », personne n'aurait entendu parler de lui. Mais il a la compagnie d'une culture entière. Son succès et son influence sont clairement la preuve que ce qu'il a articulé continue d'être un très puissant désir culturel.
  Un autre géniteur de cette méthode scientifique est Francis Bacon, qui a formalisé le processus d'investigation par lequel un scientifique développe une hypothèse, puis réunit des données dans le but de l'appuyer ou de l'invalider. L'intention de Bacon était claire: « mon seul souhait sur terre est … d'étirer les limites déplorablement étroites de la domination de l'homme vers l'univers de leurs frontières promises. » Le langage de la domination sature tous ses écrits. Il parle de « mettre (la nature) sur une grille et d'en extraire les secrets » et d' « envahir ses forteresse et ses châteaux. » A aucun moment Bacon n'a caché ses intentions: « Je suis venu en vérité pour vous guider vers la Nature et tous ses enfants, pour la mettre à votre service et en faire votre esclave... Les inventions mécaniques des dernières années n'exercent pas simplement une douce directivité sur le cours de la Nature, elles ont le pouvoir de la conquérir, de l’assujettir, de faire trembler ses fondations. »
  Il serait aussi vain qu'aisé de blâmer Descartes, Bacon et d'autres scientifiques et philosophes passés pour cette désolante tradition de l'exploitation que nous été transmises par nos aînés. Ces gens articulent clairement, brillamment, des pulsions entretissées dans notre culture comme des petits ruisseaux dans le sable. La pulsion dénégatrice du corps, la pulsion de domination du corps des autres, la pulsion de se taire et la pulsion de faire taire les autres. La pulsion d'exploit. La pulsion du déni de la mort et de causer la mort des autres – ou plus exactement, comme nous devrions le voir, de les annihiler. Ces pulsions sont claires dans la philosophie d'Aristote, et elles sont très nette – dans le rouge-sang – dans la Bible. On les retrouve plus loin encore dans le Gilgamesh ou d'autres mythes primaires de notre culture, et ils restent proches de ceux que l'on retrouve dans nos quotidiens et qui marchent dans les sentiers tracés par Descartes et Bacon, en tentant de fournir une justification rationnelle à l'injustifiable.
  Les exemples sont partout. Hier, j'ai eu un écho moderne de la mégalomanie de Descartes avec les propos de l'éminent théoricien physicien Gerard J. Milburn: « L'objectif de la science moderne est d'atteindre une compréhension du monde, non pour une question d'harmonie, mais dans le but d'ordonner les choses selon nos objectifs. »
  Le jour d'avant, j’ai vu un compte-rendu de scientifiques à l'Université de Tokyo, lesquels avaient créé ce qu'ils avaient nommé Robo-roach,ndlt un insecte auquel/à qui  on avait « inséré un implant dorsal micro robotique permettant aux chercheurs de contrôler ses mouvements. » Les scientifiques ont retiré au cafard ses ailes et ses antennes pour y placer des électrodes. Et comme s'ils jouaient aux jeux vidéos, les scientifiques pouvaient appuyer sur un bouton pour obliger l'insecte à tourner à droite. Un autre l'obligeait à tourner à gauche. Il y avait des boutons pour avancer ou reculer aussi. Une fois tous les « bugs » rectifiés, cette mi-créature/mi-robot serait agrémentée de caméras et utilisée comme micro espion. Il n'est pas surprenant d'apprendre que les scientifiques apprécient leurs cafards artificiels bien plus plus que les réels: « Les cafards ne sont pas vraiment des insectes sympathiques, ils ont une drôle d'odeur et une drôle de façon de bouger leurs antennes. Mais ils sont bien plus sympathiques après leurs avoir implanté un petit circuit dans le dos et leur avoir retiré leurs ailes. »

  Je n'étais pas convaincu de ma folie quand les coyotes ne se sont pas présentés le jour d'après ma demande. Au début je ne l'ai même pas remarqué; les coyotes habituellement apparaissaient seulement de temps à autre. Quand une semaine a passé, puis deux, j'ai commencé à me demander si c'était une coïncidence, et après un mois j'ai commencé à penser que leur absence ne pouvait être une coïncidence.
  A peu près au même moment, mes chiens ont commencé à manger les œufs. Depuis que je lâchais les volailles sans enclos, elles pondaient où elles voulaient, du coup je trouvais les œufs dans un vieux tonneau, sur une pile de ruches vides, une bâche chiffonnée sur une étagère entre une glacière et un équipement de baseball, et surtout dans un coin à l'extérieur de la cour sous et derrière d'épaisses broussailles. Parfois, très occasionnellement – si ce n'est par accident – une poule venait pondre ses œufs dans une des boîtes que j'avais disposées à cet effet.
  Quelques fois les chiens trouvaient les œufs avant moi, et je ne trouvais qu'un trou vide là où je pensais y trouver un œuf, ou rarement, s'il avait plu ou neigé, je voyais de larges traces de pattes menant aux épais bosquets. Je suspectais les larges empreintes des chiens d'aller prendre les œufs pondus sur les étagères à mi hauteur – les livres ou équipements divers que j'y avais installés devant la bâche étaient souvent étrangement en désordre – mais j'ai jamais pu éclaircir les faits.
  Il y avait quand même les traces de pattes, ce qui semblait suffisant pour me convaincre. Au début j'ai joué la carte de l'autorité: à chaque fois que je ramassais un œuf et que les chiens étaient là, je le tenais entre le pouce et l'index et le leur montrais en disant d'une voix grave de stentor: « Pas les œufs, non! » Cela a vite appris aux chiens à rouler de l'échine et remuer la queue à chaque fois que je ramassais un œuf. Mais dès que je rentrais ils continuaient à faire comme bon leur semblait.
Finalement il m'est venu en tête que ce qui avait marché pour les coyotes pouvait aussi bien marcher pour les chiens. Je me suis donc assis et quand ils sont venus sauter autour de moi je lueur ai dit:
« Bon les gars je vous ai prévenu plein de fois. Quand je mets de la nourriture dans la benne pour les poulets, vous vous servez en premier. Je pense que c'est assez équitable. S'il vous plaît ne mangez pas les œufs. »
Le jour suivant les chiens ont cesser de manger les œufs.
C'est à ce moment-là que j'ai commencé à penser que j'étais fou.

  J'ai lu des comptes-rendus de scientifiques qui administraient des décharges électriques à des chats toutes les 5 minutes, chaque décharge causant des convulsions à l'animal. Les chats survivants étaient retirés, puis ramenés le jour d'après pour subir d’autres décharges électriques, jusqu'à en subir 95 dans une période de trois semaines, ou jusqu'à leur mort. J'ai vu des comptes-rendus de scientifiques qui attachaient des électrodes à des chatons à peine âgés de 7 jours pour les électrocuter 700 fois par jour durant 35 jours, toujours dans la période d'allaitement. Les scientifiques ont noté que « le comportement de la mère méritait l'attention. Quand elle découvrait finalement que les chatons cobayes étaient électrocutés durant l'allaitement ou au moment où ils étaient près de son corps, elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour griffer les expérimentateurs afin de les empêcher de faire ça, puis essayait de s'attaquer aux électrodes, puis finalement tentait de s'enfuir le plus loin possible de ses chatons lorsqu'on leur posait les électrodes aux pattes. Son attitude envers les chatons lorsque les électrodes étaient retirées, était profondément tendre et maternelle. Elle courait vers les chatons, essayait de les allaiter ou de les réconforter du mieux qu'elle pouvait. » Après les 35 jours, on laissait les chatons se reposer, et on reprenait les mêmes expérimentations sur ces mêmes chatons.
  J'ai lu des comptes-rendus des scientifiques qui ont irradié des chiens; les survivants subissaient un régime qui augmentait anormalement leur taux de graisse et de cholestérol, et un traitement qui supprimait l'action de la thyroïde. Les survivants recevaient alors des injections de pitressine, ce qui augmentait leur pression artérielle. Les survivants recevaient des décharges électriques. Ceux qui arrivaient jusque-là étaient immobilisés, la tête tenue fermement en raison des électrodes, les corps ligotés par des lanières en cuir afin d'être encore électrocutés. Un a pu s'étrangler lui-même dans le harnais. Les autres n'ont pas eu cette chance. Après avoir montré « une détresse respiratoire temporaire, sans doute due à force d'avoir lutté contre l'immobilisation », la créature était mise sous respiration artificielle pour continuer à pouvoir être électrocutée. Les chiens ont été électrocutés durant des semaines jusqu'à la fin. Un a survécu durant 77 semaines, ce qui a encouragé les scientifiques, qui l'ont électrocuté 90 fois par minute. Le chien est mort une heure et 15 minutes après.
  Que dire de ça? Des scientifiques ont élevé des chiens en isolement total durant leurs 8 premiers mois, et ont rapporté que les chiens avaient peur de tout. Plus encore. Les scientifiques ont affirmé que les chiens se mettaient à trembler dès qu'on plaçait les électrodes, ils tremblaient mais ne tentaient pas de s'échapper. Les scientifiques ont mis des flammes sous leur truffe et « les piquaient avec des aiguilles à dissection. » Les chiens continuaient de trembler. Les scientifiques les poursuivaient avec des voitures télécommandées électrifiées qui délivraient des décharges de 1500 volts. Les scientifiques ont rapporté que les chiens élevés en isolation totale ne semblaient pas comprendre d'où venait leur douleur.

  Que peut faire une personne de ce genre d'information? Comment affrontez-vous le fait de savoir que, pour acquérir des données – et in fine dans le but de faire de nous-mêmes les « seigneurs et détenteurs de la nature » – des membres de notre culture vont électrocuter des chatons et vont torturer des chiens sans merci? Il semble impossible de formuler une réponse adéquate.




A Language Older than Words, Des Coyotes, des Chats et des Conversations, pp.17-23.
Derrick Jensen  (traduit en français par Les Lucindas)




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Ndlt:  roach signifie cafard, blatte, gardon.







Même pas mal !!
























Les scientifiques britanniques ont finalement découvert que les poissons, effectivement, ressentent la douleur.
Qu'ils l'aient admis ou non, quiconque ayant déjà pêché sait que c'est le cas. Mais durant des années un débat passionné (et passionnément stupide) a été mené avec beaucoup de sérieux par des scientifiques et des pêcheurs. Dans le but de clore le débat une fois pour toute, des scientifiques ont sondé la face des poissons à coup d'injections de « stimuli mécaniques et chimiques ». De façon assez certaine, les poissons « semblaient » ressentir la douleur.
Juste pour en être certains, les scientifiques ont alors injecté du venin d'abeille ou de l'acide acétique dans les lèvres des poissons. Selon les mots d'un des chercheurs, « des comportements anormaux ont été observés chez des truites auxquelles on avait injecté du venin d'abeille ou de l'acide acétique. » En tant qu'ancien apiculteur, je peux attester de la douleur que peut causer une piqûre d'abeille dans les lèvres, et comment cela mène directement à un « comportement anormal », dans mon cas faire des bonds en jurant très fort.
Mais évidemment, le débat (passionnément stupide) n'est pas clos. Le Dr Bruno Broughton, biologiste spécialisé dans les poissons travaillant pour l'Alliance Nationale de pêche à la Ligne du Royaume Uni, a fustigé ce chercheur, et réfuté cette recherche en disant qu'on ne peut pas « tirer de conclusions sur la capacité du poisson à ressentir la douleur, qui est une expérience psychologique pour laquelle les poissons n'ont pas le cerveau. »191
Tout ceci ne fait bien sûr que répéter ce que nous avons assez entendu, l'équivalent du porte parole de la National Science Foundation qui a affirmé qu'il n'y avait pas de connexion causale entre les tirs à 240 db et les baleines s'échouant sur les plages, l'équivalent de celui de la National Academy of Science disant que les saumons n'avaient pas besoin d'eau.
Dans le but de maintenir notre train de vie, nous devons nous raconter des mensonges, aux uns les autres et surtout à nous-mêmes.
Depuis notre naissance on nous ment à nous, les civilisés, jusqu'à ce que nous nous mentions systématiquement à nous-mêmes. Nous nous isolons de la douleur des autres (et de notre propre peine). Nous prétendons que cela n'existe pas. Les poulets en batterie (et les carottes sous serre) ne ressentent pas la douleur. Les rivières sur lesquelles on a collé un barrage ne ressentent pas la douleur, ni la claustrophobie. Les enfants affaiblis et abêtis par les pesticides ne ressentent ni douleur ni perte. Les enfants nés avec des anomalies à cause de l'uranium appauvri ne ressentent pas la douleur. Mais, oh, j'allais oublié, il n'y a pas de connexion causale entre les activités de ceux qui sont au pouvoir et tout ceci.
On n'a pas démontré non plus de connexion causale entre l'élimination systématique de toutes les créatures sauvages et la douleur, la terreur et le désespoir que ces créatures peuvent ressentir. Mais, oh, j'allais oublié, ces créatures n'ont pas le cerveau pour ressentir tout ça: seulement les humains ressentent. Seulement les humains au pouvoir ressentent tout ça. Seulement les humains tout en haut de la hiérarchie peuvent ressentir tout ça. Seulement les humains tout en haut de la hiérarchie existent.
Et c'est comme ça.
C'est ce que la science nous a appris (vous allez retirer la grenouille de son emballage sous vide, ou, au choix, vous allez trifouiller le cerveau de cette grenouille encore en vie, et rendre tout ça aussi insensé que ce à quoi je vous ai rendu, que ce à quoi mes aînés m'ont rendu). C'est ce que l'économie nous a appris (l'argent a de la valeur. La vie non humaine n'en a pas, sauf tant que ça peut être convertible en flot monétaire. Parmi les humains, parce que les riches ont plus d'argent que les pauvres, et ainsi la capacité à faire plus d'argent que les pauvres, leur vie a plus de valeur que celle des pauvres.)
C'est ce que le pouvoir militaire a mis en place et c'est ce que la police défend.
C'est ce qui est en train de tuer le monde.






Endgame, Quand la civilisation est en train de tuer le monde, partie 1, pp.218-219.
Derrick Jensen (traduit en français par Les Lucindas)



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191  Sa déclaration me fait me demander si le Dr.B.B. A assez de cerveau pour ressentir la douleur. Je suis sûr de lui trouver des abeilles très volontaires pour lui piquer les lèvres de façon à voir si cela le mènerait à avoir un comportement anormal.

Ma déco, c'est moi!























« Les gens ne quittent jamais ou même ne vont jamais regarder au-delà des bulles qu'ils se créent pour obtenir leur propre gratification. C'est comme ça qu'on nous a appris à vivre: c'est le modèle urbain si l'on considère l'échelle la plus petite du microcosme. Ces existences creuses (que ce soient des grandes villes ou des gens) pompent tout ce qui les environne et construisent un mur agressif pour garder ceux de l'extérieur dehors. Plus ils se rendent compte que leur intériorité est creuse et vide, plus ils attaquent, nuisent et dévorent leur environnement. Il m'est donc avéré que nous ne pouvons créer une culture viable sans âme qui le soit également. »
« Les gens voient que la culture – et c'est vrai aussi pour le domaine du relationnel – est brisée par tant de facteurs et si peu viable, mais sont si effrayés d'avoir à le constater en profondeur, parce qu'ils pensent que si elle – la civilisation, leur relation intime, peu importe – s'effondre, il ne restera rien. C'est comme ça que nous entrons dans ces bulles de perception – elles forment nos premiers passages d'un monde de l'amour à celui de la peur et du déni. Cela commence avec le désir d'avoir des liens. Alors nous nous contentons de moins, parce que nous pensons qu'il n'y a pas d'alternative sauf le néant. Mais notre vérité est toujours là – tout est encore là. Nous pourrions nous réveiller à n'importe quel moment et réclamer ce par quoi nous existons. »


Nina Halstead,

citée par Derrick Jensen, dans Endgame, p.190.
(traduit en français par Les Lucindas)









Exercice d'étirements de l'imagination*

















Imagine si, ces 50 dernières années nous avions diffusé un gaz neurotoxique sur la terre entière. Auriez-vous les boules? Aurais-je les boules? Oui. Je pense que les gens seraient en train de hurler dans les rues. Et bien, nous avons fait ça. Nous avons diffusé des perturbateurs endocriniens dans toute la planète, lesquels s'attaquent aux fondations du système immunitaire et reproducteur. Nous avons des données sûres qui montrent que la vie sauvage comme les humains ont été affectés. Devrions-nous avoir les boules? Oui, je pense que nous devrions avoir fondamentalement les boules. Je pense que nous devrions être en train de hurler dans les rues.



Louis J. Guillette, Jr, Estrogen Effect.

Cité par Derrick Jensen sur la page de garde de la partie « Une culture d'occupation », Endgame, p.183.
(traduit en français par Les Lucindas)

Ce n'est pas ma faute


















Il y a des années, j'ai écrit : « Tous les matins quand je me réveille je me demande si je devrais écrire ou exploser un barrage. » J'ai écrit ceci parce que peu importe avec quelle ardeur les militants œuvrent, peu importe avec quelle ardeur j'œuvre, peu importe le nombre d'études menées par les scientifiques, rien de tout cela semble avoir un impact. Les politiciens et les hommes d'affaires mentent, remettent à plus tard et simplement continuent à avoir un comportement destructeur soutenu par l'Etat. Et les saumons meurent. Je l'ai dit et le redis, c'est une relation confortable pour nous tous, excepté les saumons. Tous les matins je prends la même décision d'écrire et chaque matin j'ai le sentiment de plus en plus fort que je prends cette maudite mauvaise décision. Les saumons sont dans une situation bien pire que quand j'ai écrit ces lignes pour la première fois.
J'ai honte de tout ça.
On assiste à leur extinction.
Et j'ai honte aussi de ça.
Pour masquer notre impuissance face à cette destruction, beaucoup d'entre nous sont tombés dans les mêmes habitus comportementaux que les enfants abusés, et pour en grande partie les mêmes raisons. Nous intériorisons trop la responsabilité. Ceci nous permet à nous militants de prétendre que nous avons au moins un certain pouvoir, si illusoire soit-il, de stopper ou de ralentir la violence qui est perpétrée sur nous et ceux que nous aimons, nous en avons des preuves. Et ne me faites pas un discours pour m'expliquer que si nous ne faisions pas ce travail, le processus de destruction serait encore plus rapide: bien sûr c'est le cas, et bien sûr il est nécessaire que nous poursuivions ces actions d'arrière-garde (…) mais rendez-vous compte à quel point c'est pathétique de constater que toutes nos « victoires » sont temporaires et défensives, et que toutes nos pertes sont permanentes et offensives? Je ne peux pas parler pour vous, mais je veux faire plus que simplement empêcher la destruction de tel ou tel endroits sauvages pendant un ou deux ans: je veux prendre l'offensive, battre ceux qui veulent détruire, réclamer ce qui est libre, sauvage et naturel, et le laisser récupérer par lui-même: je veux stopper les destructeurs sur la voie qu'ils se tracent, et je veux les rendre incapables d'infliger plus de dégâts. Ne plus rien laisser passer est le seul moyen de contenir la destruction ultime de la planète.
Mais nous laissons passer, et pour nous sentir un peu moins impuissants nous nous concentrons sur nous-mêmes. Nous sommes le problème. J'utilise du papier toilette donc je suis responsable de la déforestation. Je conduis une voiture donc je suis responsable du réchauffement global. Et peu importe si je n'ai pas créé les systèmes qui en sont la cause. Je n'ai pas créé l'exploitation forestière industrielle. Je n'ai pas créé l'économie pétrolière. La civilisation détruisait la planète depuis bien longtemps déjà avant que je naisse, et continuera – à moins que moi et d'autres, dont le monde naturel, stoppent tout ça – après ma mort.
Si je devais mourir demain, la déforestation continuerait avec la même violence. En fait, comme je l'ai montré dans un autre livre, 171 ce n'est même pas la demande qui dirige l'industrie forestière: la surcapacité des très couteuses usines de fabrication à papier et à fric (tout comme, bien sûr, la pulsion de mort de cette culture) détermine dans une grande mesure le nombre d'arbres à couper. De même, si je devais mourir, la culture de la voiture ne ralentirait pas d'un iota.
Oui, il est vital de faire des choix de vie pour réduire les dégâts causés de par le fait que nous sommes membres de la civilisation industrielle, mais s'assigner une responsabilité première, et se concentrer sur comment être meilleur, est une grosse excuse bidon, qui occulte la responsabilité. Avec le monde entier en jeu, cela témoigne d'une auto indulgence bien-pensante et égotiste. Et c'est aussi assez égocentrique. Et cela sert les intérêts de ceux qui sont au pouvoir en détournant notre attention.
Je fais ça tout le temps. Nous tuons la planète, je dis. Bien, non, pas moi, mais merci de me penser si puissant. Parce que je prends des douches chaudes, je suis responsable de l'assèchement des aquifères. Et bien, non. Plus de 90% de l'eau utilisée par les humains l'est par l'agriculture et l'industrie. Les 10% restants sont partagés entre les municipalités (qui ont des terrains de golf à entretenir) et les humains réels. Nous détruisons 107000 hectares de forêt par jour, ce qui représente une étendue plus large que NYC. Et bien, non, je ne détruis pas. C'est sûr, je consomme du bois et du papier, mais ce n'est pas moi qui ai fait ce système.
Voici l'histoire réelle: Si je veux stopper la déforestation, je dois démanteler le système qui en est responsable.
(...)
(Quelqu'un, dans la 'Derrick Jensen Discussion Group') a dit: « Ceux qui sont au pouvoir veulent nous associer à eux, pour que nous fassions partie de ce 'nous' et devenions inséparables d'eux. De cette façon ils ne peuvent être mis en jeu, remis en cause ou renversés sans nous attaquer nous-mêmes. C'est le but ultime du nationalisme, de fusionner une nation entière dans un accord avec les dirigeants, de sorte qu'aucune action, et peu importe son obscénité, ne soit remise en question. Peut-être que c'est pour cette raison, quand j'accuse le gouvernement, le capitalisme, le complexe techno industriel ou la culture dans son ensemble, beaucoup de gens se mettent sur la défensive, comme si j'avais insulté leur mère.
Plus nous laissons ceux au pouvoir nous convaincre qu'on peut nous blâmer 172 pour nos actions, plus nous serons incapables de séparer ce que nous faisons de ce que nous sommes forcés de faire ou de ce que les dirigeants font en notre nom.(...) »




Endgame, Abus, pp.172-175
Derrick Jensen  (traduit en français par Les Lucindas)


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171 Jensen et Draffan, Strangely Like War.
172 Mes remerciements à Jeff et Milaka Strand pour cette analyse.

Domination domestique, domination écologique


















Pendant deux semaines deux mots n'ont cessé de me venir en tête: mimique toxique.
Je croyais que la civilisation était une culture de parodies. Le viol est une parodie du sexe. Les guerres civilisées sont une parodie des guerres indigènes, qui sont relativement non létales et qui sont des formes de jeux hyper-stimulants 168, c'est-à-dire que la guerre civilisée est une parodie du jeu.
La violence relationnelle est une parodie de l'amour. Les grandes villes sont une parodie des communautés, et la citoyenneté est une parodie de la participation au fonctionnement d'une communauté. La science – qui a pour fondements la prévisibilité et le contrôle total – est une parodie du plaisir provenant de la capacité à prévoir et rencontrer les besoins et les désirs de ses amis et de ses voisins (…). L'emploi récréatif d'états altérés par la culture est une parodie de leurs emplois traditionnels. Chacune de ces parodies prennent la forme de ce qu'elles parodient pourtant elles en outrepassent l'esprit et les intentions.
Mais récemment un ami m'a convaincu que ce n’était pas exactement ça: la parodie n'outrepasse pas les intentions, mais les pervertit et tente de les détruire.169 Le viol est une mimique toxique du sexe. La guerre est une mimique toxique du jeu. Les liens maître-esclave sont une mimique toxique du mariage. Argh, le mariage est une mimique toxique du mariage, d'un partenariat réel où les partis s'entraident pour se réaliser pleinement.
J'aime l'expression mimique toxique, mais elle ne m'aide pas vraiment à éclairer le type de relations entre des dépendances. J'ai demandé à ma mère.
Elle m'a répondu en un mot: « Identité ».
« Vraiment, ai-je dit. » Je n'avais aucune idée de quoi elle parlait.
J'allais lui demander ce qu'elle entendait par là, quand je me suis tout à coup souvenu d'une conversation que j'avais eue des années auparavant avec la théologienne et philosophe féministe Catherine Keller, auteure de From a Broken Web. Nous parlions de la façon dont les abus se communiquaient de génération en génération, et de ce que ces abus – à la fois aux niveaux personnel et social – faisaient sur qui nous sommes. Elle a expliqué que toutes les cultures n'étaient pas basées sur la domination, et a ensuite raconté l'émergence de cette culture, et ses effets: « Au sein d'un groupe dans lequel des mâles guerriers prennent les devants et dominent les tribus ou les villages, tout le monde commence à développer une sorte de Moi qui est différent de celui des aînés, un Moi qui réfléchit les défenses que la société elle-même configure... Autrement dit, si des gens essaient de vous contrôler, il sera très difficile pour vous – en partie à cause de votre peur – de maintenir une transparence envers eux ou les autres. Très souvent la souffrance que vous subissez vous la transmettrez aux autres. Encore et encore nous voyons les causes de la souffrance – les abus et la destruction – découlant d'une blessure antérieure. Nous restons avec une fabrication défensive incroyable de Moi qui ont émergé de ce paradigme de domination. Et parce que les gens qui incorporent une personnalité défensive vont dominer ces sociétés, ce genre de défense qui endommage la personnalité, qui détruit les sociétés, et qui tue les écosystèmes tend à se propager comme un cancer.»
Je lui ai demandé ce qu'elle entendait par défensive.
Elle a répondu: « Alan watts disait que les principales hallucinations de la culture occidentale – et j'ajouterais du paradigme de domination – résident dans la croyance que nous sommes un ego encapsulé de peau. Juste comme la peau vous défend des dangers du monde physique, l'égo vous défend des dangers psychiques. Cela mène à ce que j'ai défini dans les termes de Moi séparé. L'étymologie du mot séparer est très révélatrice. Elle vient de la combinaison du Latin se pour « soi », signifiant « de soi-même » et parare, « préparer ».
(...) « La croyance que la séparation prépare à l'individualité pose beaucoup de problèmes, dont, et ce n'est pas le moindre, le fait qu'elle ne correspond pas à la réalité. Nous savons que physiologiquement, un individu ne fonctionne pas en vase clos, de « lui-même », que nous devons respirer, manger, excréter, et que même à un niveau moléculaire nos frontières sont perméables. C'est la même chose au niveau psychique. La vie se nourrit de la vie, Whitehead dit que si nous nous coupons de ce par quoi nous nous nourrissons psychiquement les uns les autres, la texture de nos vies devient très fine et plate. Quand nous vivons sur la défensive, il n'y a pas cet apport progressif lorsqu'on se nourrit de la richesse des relations infinies par lesquelles nous existons.
Pour que le système reposant sur la domination puisse se perpétuer il doit y avoir une gratification clairement établie pour ceux qui arrivent à maintenir un état de déconnection. Les gens doivent être initiés et entraînés à cet état, et ils doivent en être récompensés avec un sens de la dignité, si ce n'est d'humanité, si ils sont capables de maintenir un contrôle de soi – qui s'oppose à l'être au monde – et une capacité à contrôler leur environnement, ce qui inclut le plus de gens possible.
Si vous avez une société organisée de façon à ce que ceux qui sont au sommet tirent profit du travail de la majorité, vous avez de fortes motivations pour développer ce type de personnalité qui vous a mené là. Le seul type de personnalité qui vous a mené là et celui qui vous permet d'insensibiliser votre empathie. Pour maintenir un système de dominance, il est crucial que l'élite apprenne cette insensibilisation empathique, semblable à ce que Robert Jay Lifton appelle « insensibilisation psychique », de façon à ce que ces membres puissent contrôler et torturer si nécessaire et tuer sans que ça les atteigne. Si ces membres sont incapables de s'insensibiliser, ou si ils n'ont pas été entraînés correctement, le système s’effondrera. »
C'est une des raisons, dit-elle, pour laquelle la civilisation coopte souvent aux mouvements s'opposant à la domination. « La société telle que nous la connaissons a bien besoin, continue-t-elle, de vivre de l'énergie des mouvements alternatifs. Elle a besoin de sucer notre sang dans le but de s'en nourrir, en partie parce qu'un système de domination sera toujours sous-alimenté. »
« Comment ça? »
« Une fois que nous nous débranchons de nos connections vitales – connections plus comme des fibres de ce que nous appelons nature où il n'y a pas de barrière entre les choses et leurs interrelations – une fois que nous nous débranchons de ce qui connecte les choses les unes aux autres, et qu'à la place nous poursuivons les objectifs de la civilisation telle que nous la connaissons, la source d'énergie doit venir d'ailleurs. Par extension, cela peut venir en suçant le travail du pauvre, ou en exploitant le corps des animaux et des gens traités comme des animaux. L'exploitation du corps des femmes donne beaucoup d'énergie. Mais le parasitisme de la culture dominante est infini, parce qu'une fois que vous vous coupez du flot libre de la vie perméable et mutuelle, vous devez en retrouver de quelle que façon artificiellement. »
(…)
Ce qui nous amène à la catégorie d'après: les agresseurs éloignent toujours leurs victimes des autres ressources. Je suis en train de taper ces mots assis sur une chaise manufacturée, les yeux vissés sur l'écran d'un ordinateur manufacturé, écoutant le ronronnement de son ventilateur manufacturé. A ma gauche il y a des étagères manufacturées avec des livres manufacturés écris par des humains. Les humains lettrés, civilisés qui écrivent en Anglais (les langues, dont la plupart sont indigènes, sont en train d'être détruites comme toutes les autres formes de diversité, avec pour effets désastreux: la langue que vous parlez influence ce que vous pouvez dire, ce que vous pouvez penser, ce que vous pouvez percevoir, ce dont que vous pouvez faire l'expérience, ce qui influence votre façon d'agir; ce qui influence sur qui vous êtes, ce qui influence ce que vous pouvez dire, etc...) A ma droite une fenêtre montre l'obscurité dehors et me reflète ma chevelure brune dépeignée entourant le reflet flouté de mon visage. Je porte des vêtements et des pantoufles de fabrication industrielle. J'ai, par contre, un chat sur mes genoux. Tout l'apport sensoriel, sauf le chat, a pour source les humains civilisés, et même le chat est domestiqué.
Stop. Pensez à ça. Toutes les sensations que j'ai viennent d'une seule source: la civilisation. Quand vous aurez fini ce paragraphe, laissez le livre pendant un moment, et examinez votre environnement. Que pouvez-vous voir, entendre, sentir, ressentir, goûter qui ne vienne pas ou est médiatisé par les êtres humains civilisés? Le chant de grenouille du CD Sounds of Nature ne compte pas.
Tout cela est très étrange. Encore plus étrange – et extraordinairement révélateur du degré auquel nous avons non seulement accepté mais aussi réifié cette isolation artificielle imposée, et transformé notre aliénation en bien perçu – et la façon dont nous avons fabriqué un fétiche et une religion (et la science, sur ce cas, aussi bien que le business) de la tentative de nous définir comme étant séparés – et différents de, isolés de, en opposition à – du reste de la nature. L'agresseur le plus souvent isole leurs victimes des autres ressources. Pour aller plus loin, la civilisation nous isole tous – idéologiquement et physiquement – de la source de la vie.
Nous ne croyons pas que les arbres aient des choses à nous dire ( ni même qu'ils puissent juste parler), ni les étoiles, ni les coyotes, ni même nos rêves. Nous avons été convaincus – et c'est la première différences entre les philosophies occidentale et indigène – que le monde était silencieux pour les humains civilisés.




Endgame, Abus, pp.164-169.
Derrick Jensen (traduit en français par Les Lucindas)








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168 J 'en ai parlé plus longuement ailleurs. Voir, par exemple, Jensen, Culture, pp.174-185.
169 Je remercie Deda Bea pour m'avoir appris ce que sont les mimiques toxiques.