i-bombe, tellement tellement !!
C'est un de mes étudiants – Casey Maddox, un excellent écrivain – qui m'a informé sur les i-bombes ndlt quand j'enseignais en prison. Il a écrit un roman extraordinaire sur quelqu'un qui a été kidnappé pour être intégré à un programme de sevrage en douze étapes de l'addiction à la civilisation occidentale. Le livre s'intitule The Day Philosophy Dies (Le Jour où la Philosophie est Morte), et ce titre, comme nous allons le voir sous peu, a un rapport avec les i-bombes.304
Les i-bombes sont, d'après ce que j'en sais, une des rares inventions utiles émises par le complexe militaro industriel. On peut les opposer aux bombes à neutrons, qui, si vous vous en souvenez, tuent le vivant tout en laissant les infrastructures inertes intactes: elles peuvent laisser une grande ville intacte, mais débarrassée de toute sa population, la quintessence de la civilisation. Les i-bombes, par contre, donnent lieu à des explosions qui ne tuent pas le vivant, mais détruisent l'électronique. Casey les appellent des « machines à remonter le temps » car si vous en lâchez une, vous reculez de 150 ans.
À un moment du roman les kidnappeurs sont dans un petit avion pour en larguer une sur la Bay Area. Ils ont transporté cette bombe dans un cercueil, et le personnage principal demande : « Qui est mort? »
« La philosophie, a répondu quelqu'un. Quand la philosophie meurt, a continué cette personne, l'action commence. »
Alors qu'ils se préparent à larguer leur i-bombe, le personnage principal ne cesse de penser « Il y a quelque chose qui cloche dans notre plan. » Cette pensée le taraude encore alors que la cérémonie du décompte se fait. Cinq, quatre, trois, deux, un. Et le personnage principal capte, mais trop tard. Lorsque la bombe explose, l'avion plonge.
Un des kidnappeur serre sa poitrine et s'effondre. Il avait un pacemaker. Même les actions non violentes peuvent tuer. À ce point, n'importe quelle action, et même inaction, a des conséquences létales. Si vous êtes civilisés, vos mains sont teintées de façon plus ou moins permanente de rouge sombre par le sang des innombrables victimes humaines et non humaines.
Bien avant qu'il ait fini le livre, Casey m'a montré où il avait trouvé de la lecture sur ces i-bombes. C'était dans Popular Mechanics. Si vous consultez le numéro de septembre 2001 et souhaitez l'emprunter à la bibliothèque, prenez la carte de quelqu'un d'autre, quelqu'un que vous n'aimez pas de préférence, car ce numéro contient même les instructions pour en fabriquer une. L'article avait pour titre: « I-Bombes: En un battement de cils, les bombes électromagnétiques pourraient faire reculer la civilisation de 200 ans. Et les terroristes peuvent s'en fabriquer une pour 400 dollars (sic). »
Et c'est une mauvaise chose?
L'auteur, Jim Wilson, commence ainsi: « Le prochain Pearl Harbor ne va pas s'annoncer par une lumière nucléaire incandescente ou les gémissements plaintifs des victimes d'Ebola ou de son jumeau génétiquement modifié. Vous entendrez au loin un craquement net. Alors que vous serez en train de penser à tort à un possible coup de tonnerre, le monde civilisé aura vacillé. »
Jusque là, tout va bien.
Il continue: « Les néons et les écrans de télévision vont briller d'une intensité étrange, alors qu'ils sont éteints. Une odeur d'ozone et de plastique chaud va émaner de tous les revêtements des fils électriques et des télécommunications. Vos agendas électroniques et mp3 deviendront chauds au toucher, les batteries surchargées. Votre ordinateur et toutes les données qu'il contient seront grillés. »
Je sais, je sais, c'est trop beau, tout ça, pour être vrai. Mais après c'est encore mieux.
Wilson écrit: « Et alors vous remarquerez aussi que le monde tourne différemment. La musique de fond de la civilisation, le ronronnement des moteurs à combustion aura stoppé. Sauf quelques diésel, aucun moteur ne sera épargné. Vous, toutefois, n'aurez rien, sauf que vous serez ramené de 200 ans en arrière, à une époque où l'électricité se réduisait aux éclairs qui cisaillaient le ciel. Ce n'est pas un hypothétique (…) scénario. C'est un constat réaliste fait par le Pentagone sur les dégâts que pourrait causer cette nouvelle génération d'armes, les i-bombes. »
Quand j'en parle dans mes conférences les gens m'interrompent souvent avec des exclamations de satisfaction. Le principe de l'i-bombe repose sur le FCG (Flux Compressor Generator) ou générateur à compression de flux, ce que l'article de Popular Mechanic appelle « une arme incroyablement simple. Elle est composée de tubes d'explosifs placés à l'intérieur d'une bobine de cuivre à peine plus large, comme il est illustré ci-dessous. (L'article a même un schéma!) Juste avant que les explosifs entre en combustion, la bobine crée un champ magnétique grâce à des accumulateurs d'énergie. (…) Quand le tube s'embrase cela touche le bord de la bobine et crée un court circuit en mouvement. 'Le court circuit se propageant entraîne une compression du champ magnétique tout en réduisant l'induction du stator (la bobine), dit Carlo Kopp (un expert australien spécialisé dans les armes de haute technologie). 'Il en résulte que les FCG vont produire une impulsion électrique dont le courant va stopper avant la désintégration totale de l'engin. Les résultats publiés supposent que le temps de la montée en puissance électrique varie en 10 à 100 microsecondes et dégage un courant de plusieurs dizaine de millions d'ampères.' L'impulsion générée produit une lumière qu'on pourrait comparer à un flash. »
Aussi beau que cela semble l'être (oh, pardon, J'avais oublié que le progrès technologique est bon; que la civilisation est bonne; que de détruire la planète c'est bien; que les ordinateurs, les télévisions et les téléphones et les voitures et les néons sont tous des bonnes choses, et certainement plus importants qu'une planète vivable et vivante, plus importants que les saumons, les ours grizzly, et les tigres, ce qui veut dire que les effets des i-bombes sont si horribles que personne sauf l'armée américaine et ses braves et glorieux alliés ne devraient avoir l'habilité nécessaire à les employer dans le seul but de servir les intérêts américains vitaux comme l’accès au pétrole, qui doit être brûlé pour assurer la croissance économique, la consommation de tous, le réchauffement climatique, et les larmes de désespoir face à la disparition des derniers vestiges de la vie sauvage qui seuls pourraient permettre à la terre de récupérer si la civilisation s'effondre assez tôt), c'est même encore mieux (ou pire, si vous vous identifiez plus avec la civilisation qu'avec votre propre terre): après l'explosion d'une i-bombe, et la destruction locale de l'électronique, le courant continue de circuler avec les infrastructures des télécommunications et autres générateurs d'énergie. Ce qui, selon l'article, « signifie que les terroristes (sic) n'auraient même pas besoin de faire exploser leurs bombes artisanales sur les sites qu'ils visent. Les sites très surveillés, comme les centres de commutations téléphoniques ou les centrales de transferts d'énergie électrique pourraient être attaqués en passant par leurs connexions. »
L'article conclut sur cette note d'espoir:
« Coupez l'énergie électrique, les ordinateurs et les télécommunications et vous aurez détruit toute la fondation de la société moderne. Dans l'ère du terrorisme sponsorisé par le tiers Monde, 305 l'i-bombe est la grande correctrice. 306 »
Endgame, Courage, pp.317-319.
Derrick Jensen (traduit en français par Les Lucindas)
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ndlt Nous avons préféré la traduction phonétique du mot "e-bomb" à la traduction scientifique qui aurait pu être IEM ou EMP.
304 J'ai tant aimé ce livre que je l'ai fait publier en collaboration avec l'extraordinaire designer Tiio Ruben.
305 Opposé au (ce que l'article aurait dit s'il avait resté une once d'intégrité aux auteurs) terrorisme perpétré par ceux qui sont au pouvoir pour les y maintenir.
306 Wilson, Jim, « E-bomb: in the blink of an eye, Electromagnetic Bombs could throw Civilization back 200 years. And Terrorists can build them for 400$. »,
Popular Mechanics, 09/2001,. http://www.popularmechanics.com/science/military/2001/9/e-bomb/print.phtml (consulté le 22/08/2002.) ou en pdf ici.
Les i-bombes sont, d'après ce que j'en sais, une des rares inventions utiles émises par le complexe militaro industriel. On peut les opposer aux bombes à neutrons, qui, si vous vous en souvenez, tuent le vivant tout en laissant les infrastructures inertes intactes: elles peuvent laisser une grande ville intacte, mais débarrassée de toute sa population, la quintessence de la civilisation. Les i-bombes, par contre, donnent lieu à des explosions qui ne tuent pas le vivant, mais détruisent l'électronique. Casey les appellent des « machines à remonter le temps » car si vous en lâchez une, vous reculez de 150 ans.
À un moment du roman les kidnappeurs sont dans un petit avion pour en larguer une sur la Bay Area. Ils ont transporté cette bombe dans un cercueil, et le personnage principal demande : « Qui est mort? »
« La philosophie, a répondu quelqu'un. Quand la philosophie meurt, a continué cette personne, l'action commence. »
Alors qu'ils se préparent à larguer leur i-bombe, le personnage principal ne cesse de penser « Il y a quelque chose qui cloche dans notre plan. » Cette pensée le taraude encore alors que la cérémonie du décompte se fait. Cinq, quatre, trois, deux, un. Et le personnage principal capte, mais trop tard. Lorsque la bombe explose, l'avion plonge.
Un des kidnappeur serre sa poitrine et s'effondre. Il avait un pacemaker. Même les actions non violentes peuvent tuer. À ce point, n'importe quelle action, et même inaction, a des conséquences létales. Si vous êtes civilisés, vos mains sont teintées de façon plus ou moins permanente de rouge sombre par le sang des innombrables victimes humaines et non humaines.
Bien avant qu'il ait fini le livre, Casey m'a montré où il avait trouvé de la lecture sur ces i-bombes. C'était dans Popular Mechanics. Si vous consultez le numéro de septembre 2001 et souhaitez l'emprunter à la bibliothèque, prenez la carte de quelqu'un d'autre, quelqu'un que vous n'aimez pas de préférence, car ce numéro contient même les instructions pour en fabriquer une. L'article avait pour titre: « I-Bombes: En un battement de cils, les bombes électromagnétiques pourraient faire reculer la civilisation de 200 ans. Et les terroristes peuvent s'en fabriquer une pour 400 dollars (sic). »
Et c'est une mauvaise chose?
L'auteur, Jim Wilson, commence ainsi: « Le prochain Pearl Harbor ne va pas s'annoncer par une lumière nucléaire incandescente ou les gémissements plaintifs des victimes d'Ebola ou de son jumeau génétiquement modifié. Vous entendrez au loin un craquement net. Alors que vous serez en train de penser à tort à un possible coup de tonnerre, le monde civilisé aura vacillé. »
Jusque là, tout va bien.
Il continue: « Les néons et les écrans de télévision vont briller d'une intensité étrange, alors qu'ils sont éteints. Une odeur d'ozone et de plastique chaud va émaner de tous les revêtements des fils électriques et des télécommunications. Vos agendas électroniques et mp3 deviendront chauds au toucher, les batteries surchargées. Votre ordinateur et toutes les données qu'il contient seront grillés. »
Je sais, je sais, c'est trop beau, tout ça, pour être vrai. Mais après c'est encore mieux.
Wilson écrit: « Et alors vous remarquerez aussi que le monde tourne différemment. La musique de fond de la civilisation, le ronronnement des moteurs à combustion aura stoppé. Sauf quelques diésel, aucun moteur ne sera épargné. Vous, toutefois, n'aurez rien, sauf que vous serez ramené de 200 ans en arrière, à une époque où l'électricité se réduisait aux éclairs qui cisaillaient le ciel. Ce n'est pas un hypothétique (…) scénario. C'est un constat réaliste fait par le Pentagone sur les dégâts que pourrait causer cette nouvelle génération d'armes, les i-bombes. »
Quand j'en parle dans mes conférences les gens m'interrompent souvent avec des exclamations de satisfaction. Le principe de l'i-bombe repose sur le FCG (Flux Compressor Generator) ou générateur à compression de flux, ce que l'article de Popular Mechanic appelle « une arme incroyablement simple. Elle est composée de tubes d'explosifs placés à l'intérieur d'une bobine de cuivre à peine plus large, comme il est illustré ci-dessous. (L'article a même un schéma!) Juste avant que les explosifs entre en combustion, la bobine crée un champ magnétique grâce à des accumulateurs d'énergie. (…) Quand le tube s'embrase cela touche le bord de la bobine et crée un court circuit en mouvement. 'Le court circuit se propageant entraîne une compression du champ magnétique tout en réduisant l'induction du stator (la bobine), dit Carlo Kopp (un expert australien spécialisé dans les armes de haute technologie). 'Il en résulte que les FCG vont produire une impulsion électrique dont le courant va stopper avant la désintégration totale de l'engin. Les résultats publiés supposent que le temps de la montée en puissance électrique varie en 10 à 100 microsecondes et dégage un courant de plusieurs dizaine de millions d'ampères.' L'impulsion générée produit une lumière qu'on pourrait comparer à un flash. »
Aussi beau que cela semble l'être (oh, pardon, J'avais oublié que le progrès technologique est bon; que la civilisation est bonne; que de détruire la planète c'est bien; que les ordinateurs, les télévisions et les téléphones et les voitures et les néons sont tous des bonnes choses, et certainement plus importants qu'une planète vivable et vivante, plus importants que les saumons, les ours grizzly, et les tigres, ce qui veut dire que les effets des i-bombes sont si horribles que personne sauf l'armée américaine et ses braves et glorieux alliés ne devraient avoir l'habilité nécessaire à les employer dans le seul but de servir les intérêts américains vitaux comme l’accès au pétrole, qui doit être brûlé pour assurer la croissance économique, la consommation de tous, le réchauffement climatique, et les larmes de désespoir face à la disparition des derniers vestiges de la vie sauvage qui seuls pourraient permettre à la terre de récupérer si la civilisation s'effondre assez tôt), c'est même encore mieux (ou pire, si vous vous identifiez plus avec la civilisation qu'avec votre propre terre): après l'explosion d'une i-bombe, et la destruction locale de l'électronique, le courant continue de circuler avec les infrastructures des télécommunications et autres générateurs d'énergie. Ce qui, selon l'article, « signifie que les terroristes (sic) n'auraient même pas besoin de faire exploser leurs bombes artisanales sur les sites qu'ils visent. Les sites très surveillés, comme les centres de commutations téléphoniques ou les centrales de transferts d'énergie électrique pourraient être attaqués en passant par leurs connexions. »
L'article conclut sur cette note d'espoir:
« Coupez l'énergie électrique, les ordinateurs et les télécommunications et vous aurez détruit toute la fondation de la société moderne. Dans l'ère du terrorisme sponsorisé par le tiers Monde, 305 l'i-bombe est la grande correctrice. 306 »
Endgame, Courage, pp.317-319.
Derrick Jensen (traduit en français par Les Lucindas)
...............................................................................................................................................................
ndlt Nous avons préféré la traduction phonétique du mot "e-bomb" à la traduction scientifique qui aurait pu être IEM ou EMP.
304 J'ai tant aimé ce livre que je l'ai fait publier en collaboration avec l'extraordinaire designer Tiio Ruben.
305 Opposé au (ce que l'article aurait dit s'il avait resté une once d'intégrité aux auteurs) terrorisme perpétré par ceux qui sont au pouvoir pour les y maintenir.
306 Wilson, Jim, « E-bomb: in the blink of an eye, Electromagnetic Bombs could throw Civilization back 200 years. And Terrorists can build them for 400$. »,
Popular Mechanics, 09/2001,. http://www.popularmechanics.com/science/military/2001/9/e-bomb/print.phtml (consulté le 22/08/2002.) ou en pdf ici.
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